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Valérie Delage, juin 2016

Les familles vivant en situation de pauvreté doivent-elles avoir accès aux CPE même si les parents sont souvent sans emploi et donc disponibles pour s’occuper de leurs enfants?

Impossible d’ignorer le photographe alors qu’on ramasse le « minerai » de paillis dans la cour de récréation du CPE Le Cheval Sautoir. Crédits : Dominic Bérubé

Impossible d’ignorer le photographe alors qu’on ramasse le « minerai » de paillis dans la cour de récréation du CPE Le Cheval Sautoir.
Crédits : Dominic Bérubé

Marie-Josée Lupien, éducatrice spécialisée à la Maison Coup de pouce, organisme qui offre du soutien aux familles vivant dans le secteur HLM Adélard-Dugré, croit que oui : « Aider les enfants vivant en milieu défavorisé à partir du bon pied en leur offrant un accès au CPE peut constituer un facteur de protection important. C’est un investissement préventif qui peut permettre d’éviter des coûts beaucoup plus élevés en services spécialisés plus tard. »

L’effet de groupe et la stimulation par des éducatrices professionnelles peuvent jouer un rôle déterminant dans le développement des enfants issus de milieux défavorisés. « On a déjà vu des enfants entrer au CPE avec des retards tellement importants qu’on les soupçonnait d’avoir une déficience intellectuelle ou une quelconque maladie physique ou mentale. Mais dans certains cas, après seulement un an de fréquentation à temps plein, ils avaient rattrapé leur retard! », raconte Marie-Josée.

À l’entrée à la maternelle, on peut observer entre les enfants qui sont allés au CPE et les autres un décalage frappant sur le plan de la stimulation, des habiletés sociales et de la facilité à intégrer les règles de vie. « Les enfants qui n’ont pas du tout fréquenté le CPE sont parfois comme des petits chevreuils qui ne savent pas où aller et qui sont curieux de tout voir, ce qui fait qu’ils ne sont pas fonctionnels dans un groupe », illustre Marie-Josée. Elle constate par ailleurs que depuis que les gens du secteur ont accès plus facilement au CPE voisin, l’incidence des difficultés d’apprentissage, des retards académiques et des troubles de comportement a nettement diminué à l’entrée à l’école. « Auparavant, on voyait beaucoup d’enfants arriver en première année, au service d’aide aux devoirs que nous offrons, avec un retard académique qu’ils ne parvenaient pas à combler avec les années et conduisant bien souvent au décrochage scolaire. Maintenant, cette différence par rapport aux autres milieux socio-économiques n’est plus aussi flagrante », constate-t-elle.

Les enfants des familles immigrantes habitant le secteur ont aussi avantage à fréquenter le CPE, car certains parlent très peu le français lors de leur arrivée. Le passage par la garderie est alors essentiel pour leur permettre de bien maîtriser la langue à leur entrée à l’école.

Bien que l’accès au CPE soit déterminant pour les enfants vivant en milieu défavorisé, il faut toutefois s’assurer que le CPE ne se substitue pas aux parents. Elle estime que « le CPE doit jouer un rôle d’accompagnant des parents dans l’éducation de l’enfant, les aider à continuer le travail de développement à la maison. » Or, elle s’inquiète de la réforme prochaine qui obligerait les parents à envoyer leur enfant au CPE à temps plein. « Beaucoup de parents ne sont pas prêts à laisser leur enfant à la garderie à temps plein, ce qui fait que certains ne les enverront pas du tout. D’un autre côté, envoyer les enfants toute la semaine peut avoir tendance à déresponsabiliser les parents. Ça prend un juste milieu qui ne sera bientôt plus possible », croit-elle.

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