Jacques Senécal, Groupe de simplicité volontaire de Trois-Rivières, avril 2019

On a déjà pris des résolutions. On s’est déjà lancé des défis. Fait des promesses. On veut se perfectionner, performer. Et même se dépasser. On vise parfois l’excellence. On nous demande l’impossible : « the sky is the limit !». Mais jusqu’où faut-il s’améliorer? Assistons-nous à un nouveau culte : celui de la perfection? Toujours plus! Mais pourquoi? Pourquoi atteindre le sommet du Kilimandjaro, traverser l’Atlantique en chaloupe et l’Antarctique à ski? Pourquoi le sportif est-il invité à viser le maximum jusqu’à l’épuisement?

Perfectionnisme, démesure, exploit, record, réussite, sport, vitesse et passion extrêmes… Il semble que ne pas tendre à la perfection apparaît insupportable pour une société qui a fait du dépassement son horizon moral. Dans le MondeÉglise du Moyen-Âge, la plénitude était la sainteté, une excellence personnelle recommandée par les commandements de l’Église toute puissante; dans notre Monde-Entreprise néolibéral, les comportements et les pensées imposées par les mots d’ordre du capitalisme actuel tout puissant visent le dépassement de soi et la réussite sociale ostentatoire à travers la planète. Usage de drogue dans le sport comme dans le travail, absence de limite, confusion entre excellences et performances professionnelle, commerciale, publicitaire, sexuelle: la quête de perfection ressemble de plus en plus à des comportements caractéristiques des processus addictifs. Nous vivons dans un monde qui a mis en place une série de conditionnements et de pratiques envahissantes auxquelles il est de plus en plus difficile d’échapper. Si on ne vise pas le dépassement de soi et si on ose s’affranchir de cette nouvelle orthodoxie, on passe pour des pleutres et des loosers. On encense toujours la spectaculaire réussite d’un seul individu, mais jamais rien pour la réalisation d’un petit projet collectif.

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Attention! Le perfectionnisme individuel a-t-il pris le relais de la sainteté divine? Si au lieu d’imiter les autres et de vivre sa vie comme dans une compétition sportive, on travaillait à « devenir humain » ou à retrouver tout simplement l’humanité en soi? Les sages qui ont inspiré la Simplicité volontaire substituent au concept de perfection et de dépassement celui de perfectionnement et d’amélioration. « Se connaître soi-même » (Socrate) en tant qu’humain capable de vérité, c’est déjà un perfectionnement. Sortir de l’obscurité de l’ignorance et « connaître le réel tel qu’il est » (Bouddha, Platon, Spinoza, Kant), c’est un énorme dépassement. « Réaliser le juste milieu et l’harmonie dans la pratique des vertus qui sont autant de forces » (Aristote), c’est une immense amélioration. Et que dire de se déprendre des conformismes, des préjugés et des conventions pour « devenir sa propre norme » (Lao-Tseu, Diogène, Thoreau, Gandhi)? Cela apporte une sérénité à toute épreuve. « Réduire ses besoins, c’est s’enrichir », disait Épicure; et le plus grand des plaisirs, ajoutait-il, c’est de ne plus en avoir besoin. Les sages ne répétaient-ils pas que « rien ne produit plus de quiétude et de paix que d’éviter de s’affairer. »

Prendre des résolutions, se faire des promesses, soit! Mais à la condition de préserver sa liberté de penser et d’agir, et surtout celle de douter.

Heureusement, l’adepte de la Simplicité volontaire a désormais pris la bonne habitude libertaire de penser sa vie et de vivre sa pensée. C’est déjà d’une grande sagesse.

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