Alain DumasAlain Dumas, octobre 2017

En décembre dernier, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a décidé d’introduire pour la rentrée scolaire 2017 un nouveau cours d’économie au secondaire, plus précisément un cours d’éducation financière. Ce faisant, le cours Monde contemporain, qui traite des enjeux mondiaux, sera amputé de moitié pour faire de la place à ce cours qui devrait « préparer les élèves à gérer leurs finances personnelles ».

On est en droit de se demander si c’est le rôle de l’école de préparer les jeunes à acheter des produits financiers (REER, cartes de crédit, etc.) ou des forfaits cellulaires. Du reste, jusqu’à maintenant, ce nouveau cours n’a reçu l’aval d’aucune association d’enseignantes et d’enseignants. Même le Conseil supérieur de l’Éducation recommandait au printemps dernier de surseoir à l’implantation de ce cours.

éducation financière

L’introduction du cours d’éducation financière au secondaire ne fait pas l’unanimité. Est-ce le rôle de l’école de préparer les jeunes à acheter des produits financiers? Crédits : Pixabay

L’introduction de ce cours d’éducation financière n’est qu’une illustration d’un mouvement plus large qui milite en faveur d’un rapprochement de l’école et de l’entreprise. C’est pourquoi il reçoit l’appui du monde de la finance et de celui de l’entreprise. Selon le PDG de la multinationale Alimentation Couche-Tard, ce cours devrait permettre aux jeunes de comprendre et d’accepter des décisions économiques comme l’austérité du gouvernement dans l’éducation et la santé. Pour d’autres, l’économie pourra enfin être enseignée comme une science exacte à laquelle les jeunes doivent se conformer, tel que l’affirmait Jean-Luc Landry, économiste et financier.

Si l’objectif de ce nouveau cours est d’aider les jeunes à éviter les pièges de la consommation et du crédit, alors pourquoi ne pas plutôt légiférer contre l’accès trop facile au crédit offert par les institutions financières, comme le déplore la Coalition des associations de consommateurs du Québec ? En effet, selon la Coalition, 71 % des jeunes de 18 à 30 ans possèdent au moins une carte de crédit qui atteint un niveau d’endettement alarmant, soit en moyenne 1700 $ chez les 18-24 ans et 2200 $ chez les 25-29 ans. Par ailleurs, plus du tiers des jeunes possèdent deux cartes ou plus, dont les limites de crédit varient entre 5000 $ et plus de 10 000 $.

Quel est le rôle de l’éducation ?

Cette situation problématique amène à réfléchir au rôle de l’éducation. Celle-ci n’est-elle pas une démarche pour mieux comprendre le monde dans lequel on vit afin de favoriser le mieux-vivre ? Dans cette optique, l’éducation à l’économie ne peut se limiter à faire de nos jeunes de bons consommateurs. Elle doit leur permettre de mieux appréhender les grands enjeux de la société d’aujourd’hui, notamment l’opacité et l’instabilité du système financier, les effets des paradis fiscaux, les changements climatiques, l’inégalité extrême de la répartition des revenus et de la richesse, etc.

De fait, l’éducation à l’économie doit permettre non seulement de comprendre les rouages du système actuel, mais aussi d’aborder les différentes approches économiques. En 2014, 42 associations et collectifs étudiants de 19 pays publiaient un appel mondial, intitulé Pour une économie pluraliste, qui signalait que l’économie mondiale n’était pas seule à être en crise, mais que l’enseignement de l’économie l’était aussi.

Par conséquent, pourquoi vouloir implanter si vite ce nouveau cours dans le cursus du niveau secondaire ? Pourquoi ne pas tenir compte des avis du Conseil supérieur de l’éducation et des associations d’enseignantes et d’enseignants ?

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