Steven Roy Cullen Gazette de la MauricieSteven Roy Cullen, mars 2018

Quand on demande à Mylène Gervais, artiste et professeure en arts visuels à l’UQTR, comment elle se présenterait à un néophyte en art (ce qui est mon cas), elle répond : « Je suis une artiste qui a un travail critique. Mon travail balance entre un art engagé et un art critique. Il consiste toujours à proposer une réflexion ou à amener le spectateur à réfléchir à un enjeu de notre société actuelle et, la plupart du temps, avec une posture féministe ».

Ce point de vue féministe et critique est justement ce qui motive notre rencontre avec cette artiste. « Je pense que lorsque je n’aurai plus rien à dénoncer, je ne ferai plus d’art. La société, telle qu’elle est, a beaucoup pour m’inspirer. C’est malheureux, au fond », a-t-elle déjà dit en entrevue au journal Voir.

Mylène Gervais est professeure au Département de philosophie et des arts de l’UQTR où elle transmet sa passion aux futures générations d’artistes engagés.
Crédits : Dominic Bérubé

Une posture féministe

Mais que dénonce Mylène Gervais spécifiquement ? « L’être humain m’interpelle, me touche. Ce qu’il peut vivre, ses drames, ses blessures, sa vulnérabilité suscitent mon intérêt. Mais, en tant que féministe, c’est certain que je vais aborder des sujets qui se rapportent davantage à la condition des femmes », souligne l’artiste. « Bien que ne nous soyons en 2018, bien que le féminisme ait permis plusieurs victoires, je pense qu’en ce moment nous vivons une régression », poursuit-elle.

Un corps féminin standardisé

Le corps féminin est actuellement son sujet de prédilection. Dans sa production artistique, Mylène s’intéresse aux blessures qui sont infligées à ce corps pour le contraindre aux standards imposés par notre société. Elle mentionne par exemple les régimes à répétition et les chirurgies plastiques qui viennent « blesser, briser et abimer » le corps des femmes pour le transformer en « objet marchandisable ».

« En tant que maman de jeunes femmes, je constate les effets de ce phénomène de standardisation. On voit des images de jeunes filles ayant un corps dit parfait sur les réseaux sociaux comme Instagram. Alors la pression de se conformer à ce standard est énorme », s’indigne-t-elle.

Par ailleurs, avant d’aborder la standardisation et la marchandisation du corps féminin, l’artiste s’est beaucoup préoccupée de la mort. « J’en traitais sans trop comprendre pourquoi ce sujet m’absorbait. Maintenant, à travers toutes mes recherches, je découvre que ce désir du corps extrêmement contrôlé, parfait et jeune découlerait de la peur de la mort. Je pense qu’en explorant ce sujet-là, je me redirige vers un autre aspect de la mort », poursuit-elle.

Des expositions qui font réagir

Les expositions de Mylène font réagir. « Il y a déjà eu des visiteurs qui sont entrés dans la salle d’exposition pour en ressortir tout de suite en pleurant », nous avoue-t-elle.

Son art est-il fondé sur le désir de provoquer ? « Je veux que la personne qui regarde l’œuvre puisse réfléchir, porter un regard critique sur l’enjeu, la problématique ou la thématique que j’aborde. Par contre, mon désir n’est pas nécessairement de déclencher une réaction vive », explique-t-elle.

L’estampe

L’artiste trifluvienne privilégie l’estampe sous toutes ses formes pour communiquer ses messages. Au-delà de son amour pour la technique, elle perçoit un rapport entre celle-ci et le propos ciblé dans ses œuvres. « Quand on parle de blessures ou de vulnérabilité chez l’humain, cela se transpose dans la matrice de l’estampe, on vient la blesser avec nos rouges, la marquer avec nos pointes sèches. Cette corrélation-là est vraiment importante pour moi », indique Mylène.

La prochaine exposition de Mylène Gervais sera dévoilée à la fin de l’été 2018 à la galerie R3. Gageons qu’elle engendrera de nouvelles réflexions.

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