Luc Drapeau, avril 2019
Le 12 avril prochain, la microbrasserie, boutique et salon Le Trou du diable accueille Groovy Aaardvark pour souligner le cinquième anniversaire de la bien houblonnée Boisson d’avril. Nous en avons profité pour discuter avec Vincent Peake, chanteur et bassiste de la formation depuis 1986.
Boisson d’avril
Devenue bière après avoir été l’un des titres les plus connus du quatuor Longueillois sur l’album Vacuum paru vingt ans plus tôt, cette lager collaborative, comme on se plait à la nommer, exprime admirablement bien le cheminement des arômes qui l’ont constituée autant que les styles et mélanges musicaux que le groupe a su distiller sur 33 ans d’existence. Le brassage des énergies traditionnel du duo Lambert/Bordeleau de la Bottine souriante couplé à ces racines punk hardcore métal satinées de prog de Groovy Aardvark a su créer une véritable alchimie qui perdure dans le temps : «Martin Dupuis, mon guitariste, l’a tellement bien arrangée qu’elle a eu un succès automatique. Ça aurait été une erreur de ne pas la mettre sur l’album», déclare Vincent, alléguant tout le chemin parcouru par cette chanson et les échos qu’elle reçoit encore.
Retrouver son joual
Pesante autant qu’imposante dans son propos et dans sa rythmique, la musique de Groovy Aardvark a toujours su être techniquement habile, subtile et étoffée dans l’exécution de ses mélodies. Construisant son style à partir d’influences qui, pour la plupart, ne trouvaient pas de comparables dans la francophonie du milieu des années 80, le mammifère musical a su se réinventer en moulant ses empreintes sur sa réalité et en lui donnant les couleurs de sa langue : un joual dynamique inspiré de Charlebois.
Des nouvelles et des échos en provenance d’ailleurs
« Faut pas se décourager de chanter dans sa langue maternelle, alors qu’on pourrait être tenté de faire le contraire pour rejoindre le marché dominant. Faut pas empêcher notre unicité de rayonner à l’international. Trois français dans trois villes différentes avaient des fanzines consacrés uniquement à la musique québécoise. Les Français étaient flabergastés par le talent qu’on trouve au Québec. Ça prend malheureusement quelqu’un d’ailleurs pour nous le dire », affirme convaincu Vincent Peake de retour au Québec après une tournée de 18 dates en Europe (France, Belgique, Allemagne) avec le groupe Grimskunk. « Les Allemands, eux, ce qu’ils aimaient le plus, c’étaient les chansons en français. Et moi, de mon coté, je suis revenu avec plein de vinyles de groupes allemands. J’vais toujours me rappeler de mon voyage. J’aime la langue, la culture et comment ça sonne. Quand on veut comprendre, la moindre des choses à faire c’est de faire des recherches. Sortir de ses habitudes. »
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« Un équilibre comparable à un yéti sur un unicycle »
Cette phrase savoureuse trouvée sur le site du micro-brasseur pour décrire la bière Boisson d’avril est tout aussi efficace pour expliquer le parcours de Groovy Aardvark. Si a l’instar du Yéti, le groupe a pris du temps a être reconnu, il n’en demeure pas moins que ce géant qui nous représente ici et ailleurs, doit continuer de pédaler fort sur des infrastructures culturelles insuffisante pour assurer sa survie, et ce, malgré de nombreux succès. « Le pourcentage de bon band par rapport à la population qu’on a ici est incroyable. On accote n’importe qui. Il va toujours il y avoir du talent, mais ça prendrait du public pour encourager, acheter des disques et aller voir des concerts locaux. C’est vital », revendique le musicien qui ne tarit pas d’éloges pour cette scène qui l’a vu naître et qu’il continue de soutenir indéfectiblement. « Grimskunk et Groovy, on s’en sort bien parce qu’on est établis, mais je joue dans d’autres bands (Floating Widget, Sabbath Café, Voïvod, Xavier Caféïne, Galaxie, Aut’chose, avec Lucien Francoeur, etc.) que pas grand monde ne connaît et on rencontre des publics de 10-12 personnes », conclut malheureusement le bassiste.
Constellation
Nous ne pouvons qu’être fiers de la résilience affichée par ces grands frères qui veillent au-delà de la survie de leur formation à rendre pérenne la constellation qu’ils ont aidée à bâtir. Un retour de son est nécessaire de notre part pour que toute cette expérience acquise ne demeure pas vaine et témoigne de notre capacité à nous montrer sous notre meilleur jour. Un souhait qui se trouvait peut-être déjà dans la transcendante Amphibien sur l’album Oryctérope (1998).
« À nous les profondeurs/Les répits et les jours meilleurs/Et j’entends ce que tu penses/Dans ce silence/L’indifférence n’a plus de sens ».
Pour ajouter à ce concert anniversaire, l’étiquette Slam Disques annonce que le catalogue principal des oeuvres de Groovy Aardvark en version « remastérisée » sera disponible sur les plateformes numériques dès le 12 avril ainsi que l’album Vacuum dans une première édition vinyle. Un incontournable pour les admirateurs de la première heure. Groovy Aardvark est de retour.