Valerie Delage Gazette de la MauricieValérie Delage – mars 2020

L’écoféminisme est une branche du mouvement féministe aux multiples facettes, mais qui, globalement, établit un lien entre la domination qu’exerce le système patriarcal, capitaliste, colonialiste, militariste et extractiviste sur la nature et sur la femme.

Le modèle capitaliste prédominant à l’échelle mondiale fonctionne grâce à l’exploitation des ressources naturelles, et ce, le plus souvent, au détriment de la nature. Cela se traduit notamment par l’extractivisme, qui consiste en l’utilisation industrielle des ressources (mines, énergies fossiles, agriculture et sylviculture intensive, etc.). C’est un système qui ne tient pas compte des coûts environnementaux et sociaux de cette surexploitation, comme en témoignent présentement la crise climatique et les enjeux de justice climatique qui en découlent.

L’écoféminisme établit un parallèle entre le succès du modèle capitaliste et l’exploitation des femmes dans le modèle patriarcal. En effet, dans les rôles sociaux développés dans la foulée de l’industrialisation, généralement, les hommes sont allés travailler à l’extérieur pendant que les femmes restaient à la maison, cantonnées aux tâches ménagères et de soins aux autres (enfants, personnes âgées, malades). Il en résulte encore aujourd’hui une sous-reconnaissance de ce qu’on nomme le travail invisible, non rémunéré, qui constitue l’une des externalités, avec l’environnement, assurant la prospérité du capitalisme. Même lorsque ce type de travail est rémunéré, comme dans les domaines de la santé et de l’éducation, largement encore représentés par des femmes, il demeure moins bien payé que les métiers traditionnellement exercés par des hommes. Sans compter que ce sont des domaines plus sujets aux coupures en période d’austérité. Il s’ensuit que les femmes vivent davantage de précarité et de pauvreté, en plus  d’assumer, encore de nos jours, la plus grande part des tâches domestiques.

Comment sortir du modèle capitaliste sans retourner aux rôles sociaux stéréotypés des femmes ? Les modèles alternatifs, qui prônent notamment la décroissance et une adaptation de nos modes de vie pour diminuer notre empreinte environnementale, exigent beaucoup de disponibilité pour, par exemple, cultiver la terre selon nos besoins, transformer nos récoltes, cuisiner tous nos repas, adopter un mode de vie zéro déchets, fabriquer nos produits d’entretien ou cosmétiques, etc. Et ce sont encore majoritairement les femmes qui promeuvent ces nouveaux modes de vie. Or, les plus féministes d’entre elles vivent un dilemme dans la reproduction de ces rôles sociaux stéréotypés. Dans une perspective écoféministe, il apparaît donc important de réfléchir à un modèle de société alternatif au capitalisme qui soit en même temps égalitaire.

« Ce serait la même culture mortifère, militariste, extractiviste, qui serait en train de détruire l’ensemble des ressources vivantes et qui, dans le même temps, aurait un rapport de domination et de violence à l’égard des femmes. » Émilie Hache, Reclaim

Dans les pays du Sud, les femmes ne sont pas en reste en matière d’écoféminisme. Elles mènent des luttes contre le néocolonialisme, à savoir l’extractivisme des grandes compagnies minières – nombreuses étant d’ailleurs canadiennes – ou l’accaparement des terres et la déforestation aux fins de l’agriculture industrielle. Ces pratiques menacent les organisations collectives de subsistance de ces femmes, en plus de détruire l’environnement et d’aggraver le réchauffement climatique. Ce même principe colonialiste se manifeste par l’appropriation des terres des peuples autochtones et l’exploitation de leurs ressources, comme en fait preuve l’actualité des dernières semaines au Canada.

Certains courants écoféministes proposent de remettre en question l’existence des dualités homme/femme, culture/nature, colon/autochtone, qui mènent à un rapport de domination de l’un sur l’autre. Cependant, le controversé mouvement essentialiste voit ces dualités comme une occasion de mettre en valeur les attributs des femmes dans la lutte écologiste, car celles-ci seraient par essence plus proches de la nature en tant que mères ou soignantes, ou à cause des cycles de la reproduction, tandis que les hommes seraient instinctivement agressifs et dominateurs. Ce courant essentialiste est par ailleurs fortement dénigré parce qu’il entretient les stéréotypes homme/femme et donc, possiblement, les inégalités. À l’opposé, la position écoféministe sociale reconnait que les femmes, non pas par nature, mais par expérience, ont des points de vue, des compréhensions et des connaissances utiles à la construction d’une société égalitaire et alternative au modèle capitaliste.

Un modèle de société alternatif qui abolirait les dualités pour s’attaquer tout à la fois au sexisme, âgisme, racisme, colonialisme, capacitisme, etc., dans un continuum d’expériences mises à contribution pour le bien commun, ça fait rêver ! Un remède écoféministe : se mettre au travail, bien visible celui-là, en participant aux activités de la Marche mondiale des femmes de 2020.


Sources

Référence : « Le féminisme peut-il contribuer à la protection du climat? », Stéphanie Dufresne, chronique environnement, La Gazette, mars 2019.

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