Alain Dumas Gazette de la MauricieAlain Dumas, février 2017

En campagne électorale, les Libéraux de Justin Trudeau avaient promis d’abolir la très généreuse déduction d’impôt sur les options d’achat d’actions accordées aux dirigeants d’entreprises cotées en bourse. Or, dans son premier budget de 2016, le ministre des Finances Bill Morneau renonçait à cette promesse, privant ainsi le gouvernement fédéral d’une importante source de revenus.

Les options d’achat d’actions représentent un moyen déguisé de rémunérer les dirigeants d’entreprises cotées en bourse. Plutôt que de verser des salaires à ses dirigeants, l’entreprise leur donne un bout de papier qui fixe la quantité d’actions et son prix à l’achat. Son détenteur (le dirigeant) n’a qu’à se prévaloir de cette option d’achat au moment opportun, c’est-à-dire acheter (gratuitement) l’action au prix fixé à l’avance, pour la revendre aussitôt à un prix supérieur, réalisant ainsi un gain financier (ou un revenu).

Le détenteur d’options d’achat d’actions ne prend donc aucun risque et cette mesure ne coûte rien à l’entreprise. Cependant, le gain réalisé donne droit à une déduction d’impôt de 50 % au fédéral, ce qui signifie que la moitié du revenu financier est imposée, alors que l’autre moitié reste nette d’impôt. Cette déduction fiscale coûte ainsi 750 millions de dollars par année au gouvernement.

Le ministre des Finances Bill Morneau a expliqué son volte-face quant à l’abolition de cette fuite d’impôt en prétextant qu’elle servait d’indemnisation aux petits entrepreneurs. Pourtant, les données du ministère des Finances indiquent que ce sont les plus hauts revenus qui profitent largement de cette mesure. À peine 8000 Canadiens au revenu très élevé profitent de 75 % des 750 millions de dollars de déduction fiscale sur les 80 000 personnes qui en bénéficient. On évalue que 90 % de cette déduction fiscale va aux 1 % les plus riches au Canada.

Les défenseurs de cette échappatoire fiscale soutiennent que les options d’achat d’actions incitent les dirigeants à développer l’entreprise. Or, il n’existe aucune preuve que les options d’achat d’actions contribuent à augmenter la valeur dans l’entreprise. Cependant, des études montrent que les options d’achat d’actions peuvent nuire au développement de l’entreprise à long terme, quand la recherche du profit financier à court terme prend le dessus.

Pour ce faire, les dirigeants adoptent des stratégies qui augmentent le risque financier de l’entreprise (rachat d’actions en bourse, hausse de l’endettement de l’entreprise) dans le but de faire monter le prix de l’action et du coup, la valeur des options d’achat d’actions dont ils tirent profit. Améliorer la performance à court terme de l’action en bourse n’améliore donc pas nécessairement le développement de l’entreprise.

En 2016, le ministre canadien des Finances Bill Morneau, ici en compagnie de l’ancien premier ministre Paul Martin, est revenu sur la promesse libérale d’abolir la déduction d’impôt sur les options d’achat d’actions qui bénéficie les plus nantis de notre société.

En 2016, le ministre canadien des Finances Bill Morneau, ici en compagnie de l’ancien premier ministre Paul Martin, est revenu sur la promesse libérale d’abolir la déduction d’impôt sur les options d’achat d’actions qui bénéficie les plus nantis de notre société.

Une question d’équité fiscale

Dans un souci d’équité pour tous les contribuables, on se serait attendu à une modification majeure de cette mesure fiscale favorable aux plus riches, d’autant plus que ses bénéficiaires ne prennent aucun risque. Selon une enquête du journal Les Affaires, cette déduction fiscale a permis à 29 PDG d’économiser 53,3 millions $ en impôt en 2015, soit 1,7 million $ en moyenne par dirigeant. Cet évitement fiscal ramenait ainsi le taux d’imposition marginal de ces hauts dirigeants au même niveau qu’une personne gagnant moins de 43 000 $ par an.

Il est encore temps de rectifier le tir dans le prochain budget. Le gouvernement n’aurait qu’à fixer une limite des gains pouvant être exemptés d’impôt et diminuer la déduction fiscale à un seuil acceptable socialement.

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