Real Boisvert Gazette de la MauricieRéal Boisvert – Mai 2020

On a beaucoup parlé de l’épicentre de la pandémie. Aux États-Unis, il se situe à New-York. La ville enregistre à elle seule près du tiers des cas déclarés au pays. Ici, le Québec est l’épicentre du Canada alors que Montréal est celui du Québec. On a constaté récemment que certains quartiers de nos villes sont plus durement touchés par le virus, cela notamment en raison de la densité du territoire, de la promiscuité, de l’exiguïté et la salubrité des logements. Ce qui est le cas de  Montréal-Nord  qui, en se classant  zone rouge, est devenu l’épicentre de Montréal.

Il existe toutefois un envers à l’épicentre géographique d’une pandémie.  C’est sa périphérie institutionnelle. En temps normal, hormis les gens concernés, on n’y met pas souvent les pieds. On n’y pense même pas tellement cette réalité flotte de manière intangible en marge de la vie de tous les jours.  Et puis soudain, la périphérie se rappelle à nous de la façon la plus crue. Exactement là où la COVID-19, un virus qui, rappelons-le, ne mène pas à la mort la plus douce, frappe d’une façon particulièrement brutale.

L’hécatombe des CHSLD

Au Québec, grosso modo près de 85 % des victimes de la COVID-19 vivaient dans un CHSLD, une résidence privée pour aînés ou une ressource intermédiaire.  Le virus est particulièrement redoutable pour les plus de 60 ans avec un taux de mortalité de 6,4% (parmi les cas confirmés).  Il grimpe à 18 % pour les personnes âgées de 70 à 80 ans et à plus de 40 % pour celles âgées de 80 à 90 ans.  Voilà pour les chiffres. Derrière eux se cache un drame d’une infinie tristesse. Non seulement les personnes confinées dans un hébergement collectif sont les plus grandes victimes du coronavirus, mais leurs jours sont pour beaucoup d’entre elles la répétition du même dans les conditions les moins désirables du monde.

À l’origine du fiasco

Au strict plan biologique, il est facile de comprendre pourquoi les personnes vieillissantes sont les plus vulnérables face au coronavirus. Leur défense immunitaire est souvent affaiblie et beaucoup d’entre elles sont aux prises avec une forme ou une autre de comorbidité. Mais ceci n’explique pas cela. Pourquoi sont-elles affectées à ce point ?

Dès l’annonce des premières mesures destinées à combattre la pandémie on nous a dit qu’il fallait agir comme si on allait à la guerre. Sauf que les troupes étaient sur les genoux. La plupart des établissements étaient aux prises avec un épuisement du personnel et une pénurie de main-d’œuvre. D’un autre côté, au plan administratif, la machine ne tournait pas rond. Il y avait, pour le moins du cafouillage sur la ligne de commandement sans compter qu’il a fallu composer avec les accointances douteuses de certains propriétaires d’établissements. Bref, on a vite compris que le réseau en entier n’était pas préparé à faire face à une pandémie de l’ampleur de la COVID-19.De nombreux observateurs n’ont pas manqué de rappeler que la réforme de la santé entreprise par Gaétan Barrette n’était en fait que l’avatar libéral d’une catastrophe annoncée. Ajoutons à cela le démantèlement des services publics entrepris sous la gouverne de Philippe Couillard et le Québec ne pouvait que se retrouver en mauvaise posture en cas de coup dur.  La cause est entendue.

Le monde à venir

Il est vrai que nous ne sommes pas sortis du bois. Mais nous sommes condamnés à triompher de la COVID-19. Et ce ne sont pas les éléments de solutions qui manquent, en commençant par reconstruire le réseau des soins et des services de santé à l’échelle humaine. De ce point de vue, on ne saurait qu’être d’accord avec l’un de nos aînés les plus illustres, soit le père de l’Assurance maladie lui-même, Claude Castonguay. Reprenons ses propos ici, mot pour mot. Il s’agit maintenant, nous dit-il, de : « 1) réorienter les CHSLD vers leur mission hospitalière de traitement des personnes aux prises avec une perte d’autonomie; 2) reconfirmer ensuite les CLSC dans leur mission première avec des ressources financières appropriées; 3) favoriser le développement de centres de jour; 4) reconnaître le statut des aidants naturels et leur droit à une rémunération financière en accord avec leur rôle essentiel ». Tout y est, de l’épicentre à la périphérie. À nous d’y voir maintenant.

 

 

 

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