Steven Roy Cullen – janvier 2021

Passablement éclipsée par la pandémie, la crise des médias d’information, est toujours aussi brûlante d’actualité. Tout indique, en fait, qu’elle s’est aggravée au cours du confinement pandémique. Quelques nouvelles parues en 2020 laissent toutefois poindre un avenir meilleur.

Selon les données compilées par le Centre d’études sur les médias (CEM) de l’Université Laval, les grands groupes médiatiques auraient perdu au moins 30 % de leurs revenus publicitaires dans les premiers mois de la pandémie. Cette chute soudaine des revenus aurait entraîné à son tour une vague de mises à pied. À titre d’exemple, la Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i) dont fait partie Le Nouvelliste a procédé à 143 licenciements en mars dernier tout en annonçant l’abandon permanent de ses éditions imprimées en semaine. D’autres entreprises médiatiques comme La Presse ont été contraintes de réduire le salaire de leurs employés et journalistes.

Répartition du marché publicitaire au Québec en 2003, 2013 et 2018

Source : Les médias québécois de l’information – État des lieux 2020, Centre d’études sur les médias de l’Université de Laval.

La pandémie est un autre coup dur pour les médias d’information qui ont vu leurs revenus péricliter au cours des dernières années. De 2012 à 2018, les investissements en publicité ont migré vers les agrégateurs de contenu, c’est-à-dire les plateformes numériques, les moteurs de recherche et les réseaux sociaux. Ces secteurs ont vu leurs ventes augmenter de 673 millions de dollars au Québec au cours de la période pour accaparer 47 % du marché publicitaire.

Des revenus en chute libre

Parallèlement, les médias — tous secteurs confondus — devaient composer avec des revenus publicitaires en baisse. Les médias imprimés ont été particulièrement affectés par cette fuite de capitaux. Les quotidiens, les hebdos et les magazines ont respectivement vu leurs ventes diminuées de 302 millions, 110 millions et 97 millions de dollars de 2012 à 2018.

D’une part de marché cumulé de 33 % en 2013, la presse écrite ne représentait plus que 16 % du marché publicitaire en 2018. Seule la radio semble être relativement épargnée par la crise, et ce, même si ses revenus sont également en baisse. Le graphique ici illustré expose l’évolution des parts du marché publicitaire au Québec de 2003 à 2018.

Malgré des efforts consacrés depuis quelques années au virage numérique pour tenir compte de la migration du lectorat et de l’auditoire, les médias peinent à tirer des revenus suffisants du Web. En fait, malgré des investissements croissants, les médias ont vu leur part de l’assiette publicitaire numérique graduellement passer de 16 % à 9 % de 2012 à 2018.

Source : Andrys Stienstra/ Pixabay

Un soutien ponctuel

Les médias d’information ont pu éviter le pire en ces temps d’urgence sanitaire grâce au soutien publicitaire des gouvernements qui avaient de grands besoins en matière de communication. Selon l’état des lieux publié en octobre par le CEM, « à lui seul, pendant les sept mois s’étendant de mars à septembre, le gouvernement du Québec a dépensé 10 millions de dollars par mois dans 540 médias traditionnels et numériques ».

Bien qu’elle représente une infime partie de leurs richesses, il faut aussi souligner la contribution de Google et Facebook — les principaux bénéficiaires de la migration des revenus publicitaires — au soutien de l’information locale et régionale au Québec. Quelques médias dont La Gazette de la Mauricie ont ainsi pu compter sur un appui de 5000 $ US par l’intermédiaire de leurs fonds d’urgence pour couvrir les enjeux de la COVID-19.

Un soutien à plus long terme ?

Malgré cette aide ponctuelle, les tendances du marché publicitaire demeurent inchangées. Les médias d’information devront donc trouver des solutions à plus long terme pour compenser la perte de revenus publicitaires.

Plusieurs solutions sont avancées et certaines sont déjà mises en œuvre, mais dans leur rapport sur l’avenir des médias d’information déposé début décembre à l’Assemblée nationale, les parlementaires de la Commission de la culture et de l’éducation reconnaissent que le gouvernement devra « poursuivre et intensifier ses actions pour appuyer financièrement les différents médias ». Le rapport énonce 10 observations et 20 recommandations.

Du côté du gouvernement fédéral, des mesures fiscales avaient été annoncées en novembre 2018 lors d’une mise à jour économique de l’ancien ministre des Finances, Bill Morneau. Celles-ci devaient à terme permettre aux médias d’obtenir un crédit d’impôt sur la masse salariale ou, dans le cas des organismes à but non lucratif comme La Gazette de la Mauricie, un statut d’organisme de charité afin de recueillir des dons et émettre des reçus pour fins d’impôts. Un programme pour reconnaître les organisations journalistiques et leur permettre d’avoir accès à ces mesures a été lancé en 2020, mais les réponses de l’Agence de revenu du Canada se font toujours attendre.

Enfin, en 2021, il faudra surveiller Google qui a lancé en 2020 la Google News Initiative dont la mission est de « contribuer au développement du journalisme à l’ère du numérique ». La Gazette de la Mauricie a récemment été invitée à participer au volet canadien de cette initiative. À suivre…

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